Avec / face à - [carnet de bord à rebours] - [01.06.07 - 21.04.07]


1er juin 2007. Hier.

31 Mai 2007. Une colère. Une violence. Un adieu à l’enfance, peut-être. “Les secrets”. Un bouleversement. Ce mouvement. Qui écoute. Regarde. Donne.

30 mai 2007. 6h37, rue Félix Thomas. Relire ses notes. Les imprimer. Imprimer ‘‘Un livres des livres’’, ‘‘Les secrets’’. Découper. Le matériel pour découper est à l’atelier. Pas le temps d’y retourner avant le dévernissage ce soir. Faire ça chez moi. Pensant à mon arrivée ce soir pas avant 20h00. Voire 21h00. Essayer d’y faire un saut d’un coup de vélo dans la journée pour que les nouveaux livres soient installés pour 19h00. J’essaierai de passer entre 17h00 et 18h00. Est-ce que Sylvain est arrivé. Ai croisé John hier soir. Mais pas de temps. Pas même le temps de relire ces notes, en fait. Les imprimer. Dans le seul désir qu’elles soient présentes pour dire le temps écoulé jusqu’à aujourd’hui. Sans soucis de leur qualité, sinon celle de rendre compte, aussi partiellement que ce soit, mais jusqu’au bout, de ce temps écoulé depuis le 20 avril, jusqu’à aujourd’hui. Avec : ici.

29 mai 2007. Hier.

28 mai 2007. Avant-hier.

27 mai 2007. Ce matin à Lyon entre 8h00 et 10h00, écrire la nouvelle version du texte présentant ‘‘Les secrets’’, ainsi que le texte présentant ‘‘Un livre des livres’’. ‘‘Un livre des livres’’, projet désormais dissocié de celui des secrets. Ecrire ces mots, et tous ceux jusqu’au 12 mai, dans le train, de retour sur Nantes. A 21h10, il fait encore jour. Soleil couchant à ma droite. Penser à Poup, à l’aller, et à ses photos prises des trains, à partir desquelles elle dessine-grave. Dessiner grave. Dessiner léger. ‘‘Grave, ce n’est pas triste. Grave, c’est : quand on est heureux, on sait pourquoi.’’. J’entends plus la guitare. Garrel. Cholodenko. A 22h20, il fait nuit. Saumur.

26 mai. Hier.

25 mai 2007. Je passe à l’atelier un peu avant midi. Ai réimprimé la couverture du petit livre ‘‘avec / face à (12 mai 2007)’’, pour le week-end. Je remets les deux petits livres en place sur la table. Je donne un objet à la pièce de John. Un objet pas à moi mais une adresse à nous, à certains d’entre nous. Un écho à une présence et à un départ. Une lettre, quelques mots écrits avant de quitter le lieu. Ici. C’est la lettre de Jany, le petit mot que Jany a écrit avant de quitter l’atelier le week-end dernier, week-end où John lui n’était pas à Nantes. Ce week-end je ne serai pas à Nantes. Jany a écrit ces quelques mots avant de prendre le train pour Lorient. Je vais dans une heure prendre le train pour Lyon. Je quitte l’atelier. Je laisse finalement telle que là installée, proche du sol, la plaque de Poup, celle dessinée-gravée avec la première heure de lecture de ‘‘La course l’attente’’. Pour ce dernier week-end, la plaque de Poup supportée par deux petites briques à chaque extrémité et encadrée par les autres petites briques. Arnaud m’a prêté son appareil photo hier. Je n’ai pas eu, pas pris le temps, de prendre des photos. Prendre le temps. Prendre une photo. Avoir le temps. Une photo. Penser à : ‘‘la photo de là où ça a eu lieu’’. Penser au secret.

24 mai 2007. Passer à l’atelier pour découper une affiche de ‘‘La course l’attente’’. Revenir à l’atelier vers 16h00. Travail avec Olivier. Puis sa lecture le soir et repas avec les quelques-uns que nous sommes. Plaisir de ces temps de travail qui se poursuivent en repas. Journée de travail jusqu’à temps d’être ensemble autour d’une table parler manger boire. Simplement. Rencontrer. Jusqu’où suis-je capable de rencontrer vraiment. C’est là notre force principale : ce désir de rencontre, notre curiosité, moi qui estime tellement en manquer.

23 mai 2007. Ainsi nous ne parlerons pas toi et moi. Pas avant longtemps du moins si à nouveau jamais. Aujourd’hui je le sais. Aujourd’hui je sais qu’avec toi j’arrête d’essayer. N’ai pas assez essayé. Je sais que j’arrête d’essayer. Je me libère d’avoir à régler ça. Que le silence ne me pèse plus. Je n’attends plus la parole. Léger de ça, désormais. Léger lorsque l’attente enfin n’est plus l’attente de quoi que ce soit mais sans doute oui l’acceptation, et sans résignation, du présent qui est. Ouvert encore, oui, à la venue du possible mais sans plus l’attendre. Ni le chercher, encore moins. Je passe à l’atelier vers 18h00. J’y mange un peu de fromage et de pain et bois un peu de vin rouge. Je rentre chez moi. Soirée solo sans programme extérieur, je rentre chez moi, je dors tôt.

22 mai 2007. Loïse arrive à l’atelier vers 17h30 et du temps ensemble là tandis qu’elle prépare à manger pour le soir et sa lecture et repas ensemble avec ceux qui sont là et restent pour manger après la lecture. Sentiment que quelque chose pèse. Dis-tu. Est-ce qu’on est là pour les mêmes raisons. Dis-je. Bien sûr que non. Parle-moi. Parle-moi. Aujourd’hui 27 mai 2007 : ‘‘tu vois, nous pouvons nous parler’’. Toi, toi, toi, toi, toi, et toi. Combien sommes-nous. Le pouvoir de libération de la parole.

21 mai 2007. Rendez à 19h00 à l’atelier avec Ann’Lise pour sa lecture le soir à 21h00. Nous sommes quatre ce soir. Et. Là. L’instant où tu brises le mur, l’instant, où tu nous regardes, l’événement que cela, ton mouvement laissant venir tout, n’écoutant que ton écoute, ne freinant rien, allant en tout lieu qui t’appelle, c’est le lieu juste de ton mouvement, ce n’est pas le lieu de ta fin, un but à atteindre, non, c’est la mise en vie de ton mouvement, oui, et quand tu regardes un point tu vas à lui, que tu te déplaces vers lui pour le rejoindre sans savoir quoi en chemin te détournera de cette initiale trajectoire, ou, que de braquer le regard sur lui et d’alors parler tu le touches par ce double lien regard et parole.

20 mai 2007. A l’atelier vers 16h30. Un quatre heures avec Jany qui ramène un gâteau aux framboises. Avec Jany et Mado, puis Arnaud, puis Cédric. Petit temps à parler avec Mado : la photo qu’Arnaud a prise d’elle, la séance photo. Jany est avec nous, c’est sur la mezzanine. Plus tard je montre à Jany la plaque que Poup a faite avec la première heure de lecture de ‘‘La course l’attente’’, la semaine dernière, oui, à peu de choses à la même heure que l’heure qu’il est maintenant tandis je lui montre la plaque. On ne dit pas à minima mais à minimum soutiennent Arno et Madeleine. Ils me convainquent. Je vais malgré tout vérifier, je cherche : l’on dit : a minima. Sans accent grave. Cédric et Mado s’en vont vers 19h00. Un train à 19h30. Il y a un visiteur dans l’atelier quand Mado et Cédric s’en vont. Un petit temps avec Arnaud et Jany, puis nous laissons Jany seule à l’atelier vers 19h30, 19h45.

19 mai 2007. Rendez-vous à l’atelier à 18h00 avec Sandrine Lefevre. Elle vient chercher sa petite brique. Croiser Loïse qui vient chercher des flys pour ‘‘La course l’attente’’. Soirée belle sur la mezzanine avec Jany, Cédric, Mado. Nous mangeons de l’araignée de mer, délicieuse. Je rate un pâté aux pommes de terre. Adeline, Arnaud, Alice et David passent, ne restent que le temps d’un verre. Belle soirée tranquille et fort joyeuse. Etre heureux autant là d’être ensemble que de sentir le lien qui existe avec chacun, inédit avec Jany, assez nouveau avec Cédric, et toujours, et nouveau, avec Mado.

18 mai 2007. Rendez-vous à 10h00 à l’atelier avec Loïse pour ‘‘La course l’attente’’, travail jusqu’à midi. Nous parlons. Pas de plateau. Nous parlons beaucoup suite à hier soir et à ce que nous avons proposé travaillé avec Tamara, et dans la perspective de la soirée de Loïse mardi. Belle échange. Ça avance. Chez chacun avec chacun de chacun à chacun. Vers 18h00 à nouveau un moment à l’atelier. Me poser. Un moment tranquille avec Mado, sur la mezzanine. Cédric nous rejoint Repas tous les trois là puis nous sortons vers 21h00.

17 mai 2007. Sur la mezzanine, Arnaud et Mado déguste des huîtres, je ne fais que passer. Je reviens à l’atelier vers 17h00. Tranquille préparation de la soirée, avec Tamara. Ça commence maintenant, ça a déjà commencé, ce sera une impro, oui, elle commence maintenant, avec le temps là où échauffement pour Tamara, où découpage des marges des photos flys arrivés hier dans boîte aux lettres pour moi. Je commence le texte à son début, je le dis avec le temps et les actions là jusqu’à 21h00, l’heure annoncée pour le début, mais oui, ça a commencé, ça continue, nous installons les objets, les meubles, l’espace, à partir de 20h45, et tandis que les quelques-uns qui viennent arrivent, et tandis que Mado cuisine, et, l’impro, doucement commence, elle a déjà commencé, je suis très bien, ce n’est pas un jugement, c’est : je me sens bien, c’est tranquille, je suis avec Tamara, je suis : avec moi, oui, et la fin vient assez vite, nous en sommes surpris, à la fois trop vite et à la fois, c’était là, ce fut là, tout ne fut pas donné, il en reste, sentir par le pas-tout-donné la puissance de, le en-puissance, sentir le possible-senti-de-l’encore-à-donner-qui-toujours-peut-venir, y être, oui, nous étions là, sentiment de trop court, après coup, aussi, et plaisir à y être et belle soirée encore après sur la mezzanine.

16 mai 2007. A l’atelier à 15h00. Avec Loïse, Pierre, Olivier. Pas mal parler. Un peu de plateau. Et peut-être le titre de ce projet sur lequel nous avançons tous les quatre : un titre, qui avance chemine s’approche : ‘‘la dernière image’’. Entendre aussi : derrière image. Belle soirée à l’atelier, anniversaire de Pierre, doublé de celui de Mado qui nous rejoint, avec Arno.

15 mai 2007. 9h30-midi, ‘‘La course l’attente’’ avec Ann’lise. 18h30, Tamara, puis Soizic. Impro danse musique toutes les deux le soir. Je cuisine du choux rouge. Impro et repas ensuite avec ceux venus qui restent. Ça chemine, travaille, ne cesse, ça me plaît, à nouveau manger ensemble ensuite, tout ça me plaît

14 mai 2007. Vers 14h00, l’atelier, je rejoins Arnaud et Michel. Nous n’avons plus qu’une clé, Poup est repartie à Paris avec celle qu’elle avait. Michel fabrique et installe deux ou trois ou quatre pièces de ces pièces et nous quittons le lieu. Je garde la clé. Je rentre chez moi.

13 mai 2007. Je retrouve Poup à l’atelier vers 13h00. Crevettes, écrevisses, araignée de mer que Poup a acheté au marché. Une bouteille de blanc. Tranquille agréable dimanche. Je fais à Poup un deuxième récit, relativement à sa proposition des paysages. Nous filmons certaines plaques éclairées. Et une lecture d’environ une heure de ‘‘La course l’attente’’. Poup dessine grave un mètre trente sept de plexiglas. Je la raccompagne à la gare et le projet d’une lecture intégrale avec dessin gravure pendant la lecture, et penser à une expo commune, séparés, croisements, ensemble. Le train part à 21h00. Retour en vélo chez moi

12 mai 2007. Il y a deux mecs, deux hommes, deux types, qui entrent dans l’atelier avant 15h00. J’allume l’expo pour eux. L’un des deux va exposer là en septembre. Je parle avec l’autre. La question d’un art olfactif. Art visuel, art sonore, mais art olfactif ? L’odorat et le toucher, les deux sens les plus développés dans la culture asiatique dit-il. Il me parle de Jochen Gerz et de beaucoup d’autres, beaucoup de noms, beaucoup de références, beaucoup de nécessité de référence. Il a fait les arts appliqués et les beaux-arts et non il n’a pas une pratique artistique, il fait du placo, pourtant il parle d’une commande d’une sculpture qu’il aurait réalisé en Irlande. Le matin, vers 10h00, retrouver Sébastien et un peu travailler, improviser, en fin de matinée pendant que Poup dessine sur une vitre. C’est un trio. Après-midi avec Poup, et impro le soir avec Sébastien. Je n’y suis pas, ce n’est pas bien, des fois c’est bien et puis des fois c’est bien, ça remue et remonte et se pose et se précise, et reviennent les questions et d’écoute et de concentration, être à l’écoute du présent, et non dans la confiance fermée en ce qui a eu lieu déjà, ni dans le à qui je m’adresse : du public ou du partenaire, mais me concentrer sur mon mouvement, c’est par cette concentration que tout s’ouvre, peut s’ouvrir, là c’est l’inverse, je me demande avec qui je suis, à qui je dis, comment je dis, et je ne suis dans rien, et je suis en force, en violence, en combat, ce n’est pas bien du tout, des fois c’est bien et puis des fois c’est bien, c’est riche, de questions et critique et paroles et échanges à la suite. Belle soirée, pâté pomme de terre, manger boire être ensemble, très belle soirée, très belle journée, les derniers s’en vont vers minuit. Rester encore à parler jusqu’à tard avec Poup. Très belle soirée journée. Retour chez moi vers 3h00.

11 mai 2007. Aujourd’hui. 16h11. Maintenant. Après être arrivé vers 9h00. Après avoir pris un petit-déjeuner. Ici. Après avoir travaillé avec Ann’Lise, entre 9h30 et midi. ‘‘La course l’attente’’. Ici. Après avoir mangé, seul. Ici. Après avoir réimprimé la première fiche pour ‘‘Les secrets (20 avril 2007)’’, la première fiche a disparu. Je réimprime aussi le texte écrit en écho à la conversation avec Arnaud. Il a plu. La pluie est tombée sur l’encre. Bel effet de tâche mais. Non. Réimprimer. Le fixer au mur dans l’axe de la photo. Au dos de la photo, donc. Le petit livre ‘‘avec / face à (30 avril 2007)’’, des gouttes de pluie lui sont tombées dessus, aussi. Petits éclats qui viennent salir tâcher. Je recouvre d’encre noir chaque petite tâche, ainsi le texte est-il par endroit désormais tacheté de petites îles d’encre. Une cartographie se dessine. Comme une carte avec des îles, ces tâches, qui viennent recouvrir en partie le texte. Qui créent aussi une continuité entre deux pages contiguës. Les taches attachent les pages non numérotées. Les tâches associent telle page à telle autre et font lien. L’idée : d’entrer dans la pièce de John, et d’y prendre une photo au polaroïd. Au moment de ressortir, je laisse quoi : la photo, ou l’appareil photo. Il pleut. L’atelier devient un refuge pour certains passants. Un chat qui passe devant la porte ouverte. Toi tu es un habitant d’ici, bien davantage à moi, oui. Recopier, ici, des notes écrites dans le cahier le 3 mai : le souvenir des canards et des petits canetons le premier dimanche de l’exposition. Les animaux. Mon corps animal. [Tenir en place en mon corps. Je. Tenir en place en mon corps. Je. Faire mon corps. De. Faire en mon corps. Je. Faire. De l’espace à mon corps. Faire. De mon corps un espace, où. Faire mon corps à l’espace. Faire. Mon corps. Je. Un espace. Je. Me placer. Dans l’espace. Me. Faire là. Place. A mon corps. Je. Limite, mon corps, à l’espace. Je. Limite l’espace. À. Mon corps. A la taille. De. Mon Corps. Je. Taille mon corps. Ici, mon bras, ma jambe, mon tronc, mon crâne, ici mon sexe, un espace, pour. Une place. Je. Un corps. Où placer. Mon espace. Où placer. Tout. Regarder. Tout. Me regarde. Un espace. Me regarde. En mon centre. En un cercle, où je centre l’espace. Et. Tenir le monde en son centre. En son centre le sexe regarde. Je. En mon centre. Un cercle offert. Au monde. Je regarde. Je me place. Au centre d’un cercle en écho à mon corps, seul. Regarde. Le vide est sous moi. Regarde. Le vide alentour. Un cirque. Un bordel. Un cycle, au bord d’un bordel. Un cercle. Au bord du vide. Je suis. Un monde. Au bord du vide. Je suis. Autour. Dedans. A qui le tour. A qui. De faire le tour. Un tour. Du monde. En moi. Faire le tour. D’un monde. En moi. Le tour. De mon corps. Je. Suis là. Dans. La fatigue. Je. Suis las. Fatigué. Je. Faire le tour. De. Mon corps. Fatigué. Après, je reviens. Sur un fil. Après. Je reviens. Avec le monde. Sur un fil. Et le vide, alentour. En dessous, les animaux guettent. Je sais. Les animaux guettent. Je saute, et bondis, rebondis, je vole, je marche. Au dessus du vide. Je fais danser les objets, le monde, mon corps. Jeu le corps. Mon objet. Je. Suis. Un monde. Où le jeu de mon corps dompte les animaux. En mon corps. Je suis animal. En mon corps. À l’extérieur. De moi. Les animaux. Sont. En moi. Les animaux. Hors de moi. Je sais. Je suis. Animal. Un monde, animal. Je. Fais danser. L’animal, en moi, je. Quel désir. Avance. Animal. Avance. En les animaux. En. Moi. Les animaux, hors, de moi. Les animaux. Savent tout de moi. Animal, dedans, anime le monde, en mon corps, animal, dehors, anime le corps, mâle en moi. Un feu, là, mêle en moi femelle et mâle. Animal. Un monde va. De l’un de moi vers l’autre animal. En moi. Va. Mon corps. Un monde. Ma vie d’animal.] Avide animal. C’est le titre. Un texte écrit il y a un an. Au château de Veauce. Deuxième édition de l’Electroboloworkshop. Je n’y serai pas cette année. C’est la semaine prochaine. Etre ici. Là, où je vis. Les voisins. ‘‘La première fois que je vis les voisins’’, ce pourrait être la première phrase. De. Quoi. Les deux voisins, rencontrés le jour où les canetons et leur mère canne entrent dans l’atelier, je les recroise depuis, les deux voisins. Nous nous disons bonjour. Un mail de Gislaine, le 7 mai, titré ‘‘lundi des cendres’’ : difficile de dire “bonjour”, non ? Alors juste dire je pense à nous tous, entre tristesse et rage, humiliés, impuissants. Je pense, j’essaie de penser, à ce que nous serons demain. Chaque visage ami est exhortation à ne pas renoncer. J’aimerais pouvoir conjuguer certains verbes à la première personne du pluriel. Et dire par exemple: qu’allons-nous faire ? Dans l’impatience de te revoir. Et dans une si grande urgence d’amitié. Les voisins. Etre voisins. Tout reprendre à zéro. De un, à un. Sans crainte de l’un. En soi. Hors de. Soi. Etre hors de soi, colère, non, je n’en veux pas. De quoi tu ne veux pas. Une femme : entre dans l’atelier et demande si je sais où se trouve l’association japonaise, non je ne sais pas je lui dis, ah vous habitez ici et vous ne connaissez pas vos voisins. Nous sommes en résidence je dis. Bien. Bon. Aller voir chacun, un à un. Commencer au plus proche. Par le plus proche. Un, à un. Et plus loin toujours. Ne pas le faire. Avoir le projet ne pas se contenter d’un projet. Faire. Et ouvrir et laisser ouvert, être prêt, à la venue, de. Etre sans plan défini, sinon celui de l’écoute la plus grande. Etre habitant. Habiter un lieu. Ici, un chemin de grande randonnée qui passe dans le centre de la ville, ici, à deux pas de l’atelier. Il traverse là la ville et passe par une place abandonnée coincée entre des immeubles modernes déjà en décrépitude. La place elle-même, à la fois récente et déjà détruite, un sentiment d’un site ancien. Des restes d’une civilisation détruite, mais les matériaux n’ont que dix ans, vingt ans. Les reste d’une civilisation détruite et qui serait une civilisation du futur, à venir, déjà détruite alors que à venir encore, déjà en ruine et n’ayant jamais été. Envie de réfléchir à quelque chose avec cette place, ce chemin de randonnée, la proximité de l’atelier, pour une prochaine résidence ici, où prendre en compte réellement tous les habitants, et réfléchir à l’avant, à l’après de la résidence, préparer, venir avant, ne pas partir après. Devenir soi-même habitant. Penser : la présence dans la durée, au cœur de la ville autant que dans les quartiers en périphérie. Les déshérités mon cul. Partout. Tous. Pas le même déshéritage, c’est tout. Je fonde ici en ces pages les premières ébauches de ce qui pourraient être les axes les intentions d’engagement de ‘‘ce qui secret, association, éditions, impossible, et compagnie’’. Je fonde. Il fonde. Ecoutez-le fonder le petit. Ecouter le fond. Stop. Relire. Réécrire. Il est 17h12. Relire chez moi il est 0H40 c’est le 12 mai maintenant

10 mai 2007. Il y a vingt-six ans. Un dimanche. Le champagne à la fenêtre ouverte de la salle à manger. Rue de l’oradou à Clermont-Ferrand et aujourd’hui, travail ici avec Soizic et Tamara. La course l’attente. Un oxymore. Donc. Pour dire le présent. Déjà. Sun-feng en solo chez moi face à la baie vitrée pour commencer la journée. C’était hier.

9 mai 2007. Avant-hier. Ne suis pas venu à l’atelier.

8 mai 2007. Le jour encore avant. Ne viens pas à l’atelier. Est-ce un ordre. L’ordre des choses. L’ordre des morts. N’en démords pas, la mémoire tiraille. Trois jours plus tard, à 15h18, il pleuvra. J’écris au futur le présent d’aujourd’hui où j’écris. J’invente simule ici le futur ici j’écris le 11 mai aujourd’hui, c’est aujourd’hui le trois jours plus tard. Deux jours avant, le 6 mai, 20 heures, ne pas être seul à 20 heures. Les images nous gouvernent.

7 mai 2007. Passer à l’atelier avec Louison et Katja. Arnaud prend Louison en photo pour la course l’attente. Est-ce que vous sortez ensemble. Est-ce que tu as encore quatorze ans. Il demande c’est quoi ton truc au lit je réponds fellation je demande et toi il dit dormir alors bonne nuit. Quant à moi je dors mal et demande : me poses-tu la question que tu voudrais que je te pose, poses-tu la question à laquelle tu voudrais répondre, pourquoi ne dis-tu rien de toi.

6 mai 2007. Aller voter d’abord. Grande tristesse. Intime, en premier lieu. Stop. Je n’en sors pas de la journée. Travail à l’atelier entre 10h00 et midi avec Ann’Lise et Tamara. La course l’attente. Un oxymore. Donc. Tamara trace un chemin de petites briques à la suite du déplacement de Ann’Lise. Toute la journée ensuite à l’atelier avec John. De quoi parlons-nous. Que faisons-nous. Une sieste pour moi entre 15h00 et 16h00. Un temps de conversation en écho à séance photo et à sa photo, avec Arnaud, sur la mezzanine. D’abord John est à nos côtés puis nous ne sommes plus que tous les deux. Mais de quoi parlons-nous. Mais que faisons-nous. Qu’allons-nous faire. Qu’allons-nous faire enfin qui ne fut jamais fait. Qu’allons-nous dire enfin. Qu’allons-nous dire et faire sans l’exiger de l’autre. Qu’allons-nous enfin exiger chacun de nous-mêmes.

5 mai 2007. Entre 10h00 et 14h00, La course l’attente, avec Loïse. Une fois le mécanique la mécanique imprimé(e) dans le corps, accès alors à l’essence de l’être. Encore la question de la mise en mouvement du corps. Mettre tout l’être dans le mouvement. Guillaume Mainguet vient chercher sa petite brique. Un secret enregistré en juin 2005 à Rennes. 16, rue de plaisance. Parler avec John de sa pièce et des objets que les gens lui laissent. Assumer le fait qu’il propose et que sa pièce en passe par l’acceptation de toute réponse à sa proposition, quoi qu’il en pense. Qu’en sais-tu de l’intention, de la pensée, de l’émotion, de l’autre. Qu’en sais-je des comment ne plus projeter ma propre pensée dans le geste de l’autre. Et de laisser le geste de l’autre et l’objet de l’autre se déposer. Sans savoir. Il est question d’objet. Il est question de sujet. John parle du texte ‘la course l’attente’ comme un objet. En tant qu’objet l’autre peut se l’approprier. La démarche de John : comment, elle, n’est pas un objet ou du moins non pas ‘pas un objet’, mais un objet si proche du sujet qu’il est, lui, John. Comment différencier l’objet (une présence de lui) et le sujet (lui). Il y a quelque chose avec ça dans ‘l’attente l’oubli’, quelque chose très précisément avec ça, sur : la différence entre ‘soi’, et ‘la présence de soi’, oui. L’écart, entre. ‘Soi’, comme le sujet, comme l’intime inatteignable, et ‘présence de soi’ : comme l’objet, le visible à l’autre, le donné visible à l’autre plus exactement, car, quant à savoir ce que l’autre voit. Il y a lien, ici, et question de rapport : avec l’autre, et son sujet, avec le sujet, qu’est l’autre, depuis son plus intime, inatteignable, je te regarde, depuis le fond de mon œil là où se tient l’inatteignable, celui par qui l’on atteint, pourtant. C’est lui par lui que je vois c’est lui qui sort mais lui jamais on ne l’atteint sinon lointainement par quelque écho de l’objet au dehors qu’il montre, parfois, stop. Le soir, regarder les vidéos des deux sessions de travail avec Soizic et Tamara. La vidéo enlève, ne m’apporte rien à moi qui ai vu, à moi qui regardais depuis l’espace vrai où cela avait lieu. Intérêt pour Tamara et Soizic, oui, peut-être, mais pour moi non. Et encore est-ce un intérêt d’un type dont j’interroge la validité : car il met en avant l’image produite, ce qui est produit, ce qui est donné à voir, dans un mouvement de vouloir maîtriser ce qui se montre. Quand il s’agirait je pense exclusivement de maîtriser la seule écoute à soi et à l’autre et laisser aller soi avec, et, partant et plongés chacun dans cette écoute et ses répercussions en soi, être plongés dans le réel, et non dans le souci de l’image que l’on produit dans le réel. Quelque chose avec ça.

4 mai 2007. Mettre en ordre ce que je retrouve des coordonnées des personnes qui m’ont confié chacune un secret. Ainsi retraverser quatre ans de ma vie. Premier secret enregistré le 31 décembre 2002. Tanguy. Saint-Jean. Les amis. Dernier secret à ce jour, Sébastien. Sur la mezzanine. Ici. Il y a trois jours, écrirais-je, si j’écrivais le 4 mai. Mal dormir. Rentrer chez moi. Dès la fermeture de l’exposition. Annuler une sortie prévue. Rentrer.

3 mai 2007. La course l’attente à l’atelier, avec Soizic et Tamara, entre 10h00 et 12h30. Aucune trace autre en mémoire relative à ce jour. Penser à Gwenaëlle, écrivant ces mots. Un présent.

2 mai 2007. A l’atelier, couler la brique du secret de Sébastien. Manger ici. Mettre à jour les notes des jours, dans la pièce à mi-étage. Ensuite, pas de traces en mémoire.

1er mai 2007. Rendez-vous à 15h00 à l’atelier avec Sébastien. Passer un moment ensemble. Prendre un café. Parler. Venue de Mathilde Gauchet, dont j’ai trouvé le sac hier, dans la rue, sur la piste cyclable proche de l’île Versailles. Non, je n’ai pas pensé à l’amener à la police. Elle vient chercher le sac à l’atelier. Avoir ouvert son sac. Accès à quelle intimité. Aucune réelle. Recherche de numéros de téléphone dans toutes ses affaires, pour entrer en contact avec elle. Elle amène une bouteille de jus de pomme artisanal, pour me remercier. Elle est médiatrice au château. Etre médiatrice. Dans un château. Aujourd’hui, elle est dans mon carnet d’adresse. Elle vient avec une amie. Je leur parle un peu de l’expo. Elles repasseront peut-être. Le secret. Quelque chose : a eu lieu il y a quarante ans. Et le souvenir, l’impossible du souvenir, l’impossible de la suite au présent. Ce sont oui de vieilles personnes maintenant. Se revoir, une dernière fois. Ne pas vouloir se revoir. Ne pas pouvoir se revoir. Ne pas recommencer ne rien avoir à recommencer. Ce sont des personnes différentes maintenant. Et la seule chose qui pourrait avoir lieu : une parole, qui dirait si cet homme, il y a quarante ans, a dit, ou pas, mais : même cela n’a pas lieu. Et, avec cela. Avec ce peu de presque rien, ce plein tellement, non, je ne me plains pas. Les plans. Le plein. Les plans de Paris en plans de coupe. Ça dure une heure, une heure dix. Ah mais il ne s’est rien passé. Certainement non. Entendre : il ne sait rien, passé. Ou plutôt encore : c’est pas : il ne sait rien, c’est : il ne dit rien, c’est : il voudrait bien encore, mais : c’est avec du passé, qu’il voudrait, encore. Que veut-il encore, que peut-il encore, au présent. Ainsi se venge-t-il ? En ne disant rien ainsi se venge-t-il ? Il ne dit rien de ce pour quoi elle était venue, elle, venue, pour l’entendre dire s’il avait, il y a quarante, dit, ou pas. Il ne dit rien, ainsi s’en va-t-elle, elle, au présent. Et lui seul, le coq, dans le couloir. Le dernier film de Oliveira.

30 avril 2007. Venu pour coller un nouveau texte, écrit ce matin. Pour imprimer le livre que tu tiens entre les mains, aussi. Seize pages, est-ce que c’est un livre. Fabriquer un livre. Ecrire un texte. Je suis là, j’ouvre le lieu. C’est un lundi. C’est comme un dimanche. Du côté de chez moi, personne sur le chantier de l’immeuble que je vois depuis mon balcon. Demain c’est le premier mai. Hier c’était l’anniversaire d’Arno. Le 29 avril 1970, un match de football a eu lieu. Lequel. Recopier, ici, un peu modifié, très peu, un texte écrit en mai 1998, après avoir vu pour la toute première le travail de Michel. Je sais qu’une écriture nouvelle s’ouvre pour moi avec ce texte. Je le sais aujourd’hui. Je ne le sais pas alors. Non, pas une écriture nouvelle. Peut-être tout simplement l’écriture. Le tout début de ce que j’ose enfin depuis peu assumer comme un travail d’écriture. Voici le texte. [Et de quoi parler encore sinon de soi. Dans cet incessant va et vient du voiler, dévoiler - qui parlait de quoi -, ici et là, de quoi parler encore - sinon de soi. Qui voile ou dévoile ouvre l’œil et le jeu déjà commence, il a déjà commencé, œil ouvert ou fermé, déjà un regardait. De quoi parler encore sinon de soi. Sachant ici que la mise à nu n’épargnera personne. Ni toi qui regardes, ni toi qui montres, ni épargné, ni égaré, n’épargnera non personne, ni œil, ni main, personne, ni personne ni rien. Qui donc oserait mettre à nu de la sorte sans même soi se dénuder. Moi aussi j’ai regardé. Moi aussi je me suis vu. Et j’ai baissé le voile au devant. Pour me masquer. Non pas tant. Bien plus à coup sûr pour que tu viennes. Jamais ne désirant davantage que celui-là qui derrière mime de se cacher. Et n’avance pas en espérant si vite par ces chemins pouvoir me connaître. Par ces chemins, n’espère que les chemins pouvoir connaître. Car enfin : quoi penses-tu que j’avance lorsque c’est moi que je mets en avant. Sinon cette marche mienne, vers moi, qui est la tienne même si toi aussi tu t’obstines à marcher. La mémoire n’en peut plus de s’effacer. Pire encore : comme parfois semblant ne s’être même jamais fixée. Inutile de l’effacer. D’où je viens. De là derrière. De ce brouillard là duquel je sors. C’est dans le flou, dans l’opaque, dans ces images trop anciennes qui ne m’appartiennent plus, puisqu’issues de ce temps que sans doute j’ai vécu, mais qui sans elles n’aurait su laisser traces. Dans le flou, dans l’opaque. Dans ce temps vieux et mort où j’ai vécu, où dit-on même je suis né, ai grandi. A quelle date de ma vie se situerait l’image première dont je me souviens. Rebrousser le temps. Pas la peine, pas la peine. Du flou, de l’opaque. Commencer par le présent. Et dire encore, marteler, revenir. Dire encore : cette marche mienne, tu la connais. Dire encore : est la même pour toi. Puisque tu t’obstines, semble-t-il, à vouloir marcher, regarder, que sais-je. Puisque tu t’obstines semble-t-il à vouloir continuer. Marche dite mienne puisque c’est moi qui ouvre la bouche, tends les mains. Matières et mots à ton œil livrés, images entraperçues, rampantes, crissantes sur la langue de celui qui dit, grinçantes à l’oreille de qui. Marche mienne, tienne pour toi, puisque tu viens, je présume, avec mains et bouche en ta possession, avec œil, langue, oreille. Marche mienne : est même pour toi. Si tu sais voir et entendre, braquer le regard, tendre l’ouïe. Si je sais te parler, oui, si je sais peindre, trouver les formes, les mots, les images. Si je sais montrer, oui. Si je sais trouver un peu comment dire. Et cela même ici sans parler des bras. Sans parler des corps. Sans parler des cœurs, des culs, tout ce tremblement des vies nôtres vécues. Qui alors ici dévoile voile qui. Celui qui donne à voir, ou celui. Qui vient regarder. Le jeu enfin avoue ses méandres. Cul par dessus tête, oui. Jeu nécessaire, comme tête et cul dans le sens qui nous semble bon. Jeu nécessaire. Civilisés que nous sommes. On ne dit pas regarde-moi impunément. Jeu nécessaire, double jeu, au minimum double, ça va de soi, me myself and I play it again, please, je montre, je cache, mélodie balancée, désir aiguisé, dans 1’empêchement là fait d’accéder à la clarté de qui se montre. Masque opaque, translucide. Je calque mon regard dans cette opacité translucide. Je calque le regard de celui qui voit sur le travail de l’œil et de la main de cet autre qui là s’est déposé. Masque opaque, translucide. Qui serais-tu donc prêt à trouver si l’envie te prenait de soulever le voile. Je te montre ici flou ce que j’ignore de l’être clair. Opacité, ma tendre, ma vieille et poussiéreuse, fidèle et combattue compagne. Y aurait-il un vainqueur que l’autre n’y survivrait pas. Probable. Et toi, qui regardes, oui, je veux que tu viennes, et je bloque ta venue. Es-tu pressé à ce point que tu ne puisses attendre. Que tu ne puisses traverser et vivre ce présent. J’apprends lentement sur moi. Et tu voudrais que je te livre le peu que j’en sais sans détours. Dis-toi bien que toi et moi sommes désormais embarqués dans cette impossibilité commune d’une lisibilité immédiate. Rien moins que ça. Et, chaque détour, chaque empêchement que je t’impose, ne sont que ces défenses nécessaires, tu le sais mieux que personne, nécessaires et dressées là, afin que nul ne puisse m’atteindre aisément. Celui qui accepte ces détours, ces empêchements, celui-là connaîtra le poids du temps long, connaîtra au moins de moi ce plaisir difficile du temps long, et lent, de la visibilité pénible, de la quête périlleuse d’un inconnu autre en soi. Celui-là qui accepte ces détours, ces empêchements, celui-là, je veux bien tenter de lui parler. Puisque déjà, l’un et l’autre, sans savoir quand, ni qui a décidé, l’un et 1’autre, semble-t-il, déjà, oui, nous venons de commencer. ]Le temps de conversation avec John en écho à la photo et à la séance photo avant-hier vers 20h30, après avoir entendu Pierre Bergounioux. Le plaisir et le réconfort d’entendre la parole de cet homme. Conversation avec John dans canapé et fauteuil à l’entrée de l’expo. Souvenir de Olivier s’étonnant de ne pas me reconnaître de dos. On reconnaît les gens de dos, dit-il. Là on ne te reconnaît pas. Conversation avec Michel en écho à la photo et à la séance photo hier tandis qu’il réenduit d’huile de paraffine le papier au niveau des visages. Maintenant 18h18. Retranscrire les notes de mai 2005 lorsque je découvrais la réponse de Poup à la proposition ‘‘Les secrets’’. Quatorze objets dans la pièce de John, aujourd’hui, à 18h28.

29 avril 2007. Hier.

28 avril 2007. Aujourd’hui.

27 avril 2007. J’avais envie de les remettre autrement, là, les petites briques. Après les avoir déplacées pour travailler, l’autre jour, après les avoir déplacées contre le mur pour donner de la place au sol, hier ou avant-hier. Ce matin l’envie de les voir autrement, non, il n’y a pas d’intention autre que celle-ci : les vouloir voir autrement. ‘‘Les secrets’’. Le projet ‘‘Les secrets’’. Une insomnie l’autre nuit et les pensées avec ‘‘Les secrets’’. Une phase du projet se termine, va se terminer. La proposition d’origine va se modifier. Disparition des briques. Disparition de l’enregistrement. Dire un secret, oui, toujours. Mais la seule commune présence de celle celui qui dit et de moi qui écoute. Face à. Elle lui. Avec. Elle lui. Ce temps de présence où une parole et une écoute se font face font ensemble deviendrait-il enfin le cœur de la proposition. Oui. Continuer. Tendre vers un toujours plus juste. Etre à l’écoute de la justesse sans cesse se déplaçant, avec le temps. Aussi. Ecrire. Avec les clés de l’appartement de la rue de l’oradou. L’appartement où j’ai vécu entre 1974 et 1986. Et toi. Où vivais-tu. Aujourd’hui, toi. Où vis-tu. Derrière l’image de mon visage, un gouffre, tes yeux, les miens. L’appartement. L’appartement de la rue de l’oradou. Les clés de l’appartement de la rue de l’oradou. Derrière la porte, le couloir, puis une chambre à droite et le salon, et ma chambre au fond. Ma chambre, était donc au fond. Les fenêtres de ma chambre, les fenêtres aux larges vitres. Le goût pour la lumière dans les lieux où j’ai vécu depuis. Que la lumière entre. Et le souvenir, entre. Le souvenir de ce ciel gris-noir uniforme, dans cette chambre, au fond, un jour que j’étais allongé sur le lit et les yeux regard vers le ciel et ce ciel gris-noir uniforme et l’angoisse alors d’éprouver la réalité de la mort, quelque chose de cet ordre, oui, la proximité comme alors palpable de la mort, elle était là, menaçante, comme proche à pouvoir la toucher, masse uniforme, si proche, nuage gris-noir recouvrant le ciel dans son entièreté, la mort à portée de mon corps. Mon corps, ma vie, à portée de la mort. Oui. C’est arrivé une seule fois. Bonne blague. Là, de cette chambre, par les fenêtres ouvertes, en bas l’on peut voir le toit des garages. Traverser par la pensée le toit des garages et devant la porte derrière laquelle est notre voiture, maintenant, faire demi tour, et rejoindre notre cave, et rejoindre la cage d’escalier, les boîtes aux lettres. Notre boîte aux lettres, en haut, à droite. Les clés de la rue de l’oradou, c’est : la clé de la boîte aux lettres, la clé de l’appartement, la clé de la cave, la clé du garage. Je vais vérifier dans la salle de John. Non. Quelque chose cloche. ‘‘Il devait y avoir une autre vérité qu’on nous cachait, pas possible, quelque chose clochait, cette réalité ne tenait pas. Il manquait la colère.’’ Une phrase. Colette Fellous. Un nom. ‘‘C’est là une vérité qu’il n’y a guère que la littérature à avoir approché : la violence commence avec le nom’’. Michel Surya. Et, dans la rue, après avoir descendu les grands escaliers, à droite la rue sort de la ville et là-bas la patinoire, tout au bout de la rue, très longue, et encore plus loin, ayant quitté la ville, là rejoindre les immeubles où vivent mon oncle et sa femme on dit ma tante. Ou bien, à gauche, après avoir descendu les grands escaliers, à gauche la rue file jusqu’à bifurcation où là si encore à gauche : alors tu marches vers là où l’école maternelle puis l’école primaire, mais, si tu vas tout droit : c’est le lycée où je vais jusqu’en 1986 ensuite je prends un train je vais à Paris je monte à Paris je vis à Paris les premiers mois je fais des aller-retour toutes les semaines est-ce que je dis pourquoi. De l’appartement de la rue de l’oradou je ne parle ici ni de la salle à manger, ni de la cuisine, ni des toilettes, ni de la salle de bain où j’entends mon père se moucher dans ses mains tous les matins ça me dégoutte aujourd’hui je n’envisage pas de faire autrement pour moi. Je ne parle pas non plus du petit couloir perpendiculaire au bout du couloir principal, petit couloir desservant cuisine toilettes salle de bain et ma chambre tout au fond à droite quand on vient juste d’entrer et que l’on est encore au commencement du couloir principal et que la porte n’est pas encore refermée, maintenant, si tu te retournes - ce qui est à la fois déconseillé et pourtant parfois prudent - si tu te retournes, là, maintenant tu regardes la porte refermée, et la première chambre, celle de mes parents, est alors à gauche, avec lit, armoire, table de nuit, stop, ne pas décrire tout, stop, ouvrir cette porte, ne pas, rester là. Je parle de cet endroit à Poup. C’est ma réponse à sa proposition de lui donner un paysage. Ensuite, un temps de conversation avec Poup en écho à la photo que Arnaud a prise d’elle. Je parle des clés, je parle avec elles, à partir d’elles. Puis nous parlons de la photo, de la séance photo, sans changer d’endroit. Ensuite, conversation avec Sylvain en écho à sa photo et à la séance photo, là, nous sommes assis dans le fauteuil et dans le canapé à l’entrée de l’expo. C’est le dimanche 22 avril 2007 alors. C’était il y a cinq jours. C’était il y a 20 ans, 30 ans. Ce sont les clés de l’appartement de la rue de l’oradou. C’est aujourd’hui, dans la pièce de John. Avec les autres objets. Onze objets à l’heure qu’il est aujourd’hui à 17h20. Vendredi. 27 avril. 2007. Je n’ai toujours pas écrit en écho à ma photo la photo qu’Arnaud a prise de moi. Ecrire. En écho. Prendre un temps de conversation avec moi-même. Ecrire le texte maintenant. 17h21. Evoquer d’une phrase ici puis y revenir ou pas selon la nécessité de dire : le dialogue avec ‘‘Les secrets’’, entre Poup et moi. La proposition. Sa réponse. Les petites briques. Sa réponse. La série de photo prises dans le train en mai 2005 lorsque je découvre sa réponse à la proposition. Contre-coller cette série. Lui donner la série de photo, avec un plexiglas de même taille. Penser à écrire, de mon côté, un texte à partir de la retranscription des notes prises alors dans le train. C’était il y a deux ans. Maintenant, 17h35. Prendre un temps de conversation avec moi-même. Oui, maintenant. Bientôt 39 ans, il était temps.

26 avril 2007. Hier.

25 avril 2007. Viendrai-je ici tous les jours. Viendrai-je ici tous les ans. J’étais là l’an dernier. 24 heures de présence avec la lecture de ‘‘La course l’attente’’. J’étais là hier. Serai-je là l’an prochain. Monter un dossier. Est-il encore temps. Repousser les échéances. Avoir deux maisons. Là où tu dors. Là où tu travailles. Tout voir en binaire. Alternatives un et deux et c’est tout, à deux voici le tout formé. Erreur de taille, assurément. Sous l’œil de quel ou quelle troisième. Salut à toi. La ou le troisième nécessaire. Salut à toi. Nécessité. De. Un. De. Je ne suis pas un de ceux que l’on. Un de. Je suis un de. Un de qui. Un, de quoi. La question ici serait celle du portrait et de l’identité. L’identité : qui fait un. Qui te fait un. Qui : te fait. Une. Identité. Un même. Amour même. Une reconnaissance. Reconnaître, naître avec, à nouveau. Avec un, nouveau. Une appartenance, à soi-seul. Stop. Aujourd’hui, passer ici pour récupérer de la colle et deux jours plus tard la colle est chez moi et manque ici. Qui a deux maisons perd la raison. Contes et proverbes. Avoir les objets en double. Un objet là où tu dors. Son double là où tu travailles. Etre là, juste une demie heure, écrire ces quelques mots. Venir ici tous les jours. Allumer la radio. Ils parlent du film d’Emmanuelle Cuau. Qui connaît Bernard Cuau. Rien est ce qu’il y a. Un des titres des rares textes qu’il a fait publier. Ses films, je ne les connais pas. Ils existent. Ecrire les noms, ou ne pas, les écrire. Traduire, interpréter, ponctuer. Ecrire les noms, ou ne pas ( : question ). ( Réponse : ) les écrire, là est la question. ‘‘Il manquait de conscience au point d’avoir peur de scandaliser’’. Bataille. ‘‘Ce n’est jamais la réalité qu’on appréhende mais une vue de l’esprit’’. Klossowski. Une vue. De l’esprit. Bien.

24 avril 2007. Entre 9h30 et midi, travailler ‘‘La course l’attente’’ avec Ann’Lise puis avec Ann’Lise et Tamara dans la suite du travail d’hier.

23 avril 2007. Le projet de Tamara. En parler sur la mezzanine. Entre. Non pas le titre. Mais tel que pour l’heure je le titre. Travail avec Ann’Lise et Tamara avec ‘‘La course l’attente’’ entre 14h00 et 18h00.

22 avril 2007. Ecrire la date 22 avril 2007. Nous ne sommes pas hors de l’histoire. Au nom de qui, de quel ensemble, au nom de quel groupe, au nom de quelle communauté oser le nous. Au nom de qui oser le nous. Poser le je non contre un tu. Mais comme élément premier [un]. Et, dans la pensée, multitude, identité non, multitude, oui, des je, nous [deux]. 22 avril 2007. Réveil 6h00 et penser choix démocratique mort dans l’âme. Nous n’avons pas le choix, as-tu dit. Nous avons encore le choix. Nous avons encore la possibilité de choisir une ou un qui nous laisserait libre, mais, 1 : libre de quoi. 2 : pour combien de temps, et : 3 ? Toute relative liberté, bonne blague, libre encore de la nommer. Choisir une ou un, non comme celle ou celui que nous avons choisi pour ce qu’il ou elle défend et au nom de quoi il ou elle nous représenterait, non, il, ou elle, ne me représentera pas. Mais si il, ou elle, venait à régner, être encore, au moins, au plus que moins, être encore et malgré tout dans la possibilité de lui dire notre désaccord avec sa pensée, ou, plutôt, et la mort dans l’âme est là, face à l’absence d’une vérité de sa pensée. La possibilité de dire encore. Travailler ‘‘La course l’attente’’ entre 10h00 et 14h00 avec Olivier, et nous voilà emporté alors complètement ailleurs, oubli du réel. Je demande une conférence, un exposé : dont le titre serait : ‘‘réel et réalité’’. A moi de l’écrire. Entendu. Un stage intensif d’adaptation au réel. Un programme à écrire. Stop.

21 avril 2007. Hier. Les larmes dans la rue. La montée de tristesse. La joie présente, le mot joie. La tristesse en bouffée d’émotion après ton départ. T’avoir revue. Le secret dans la nuit. Trois heures du matin. C’est l’heure de ma naissance. Compter en année. Compter en mois. Un moi. Des mois. Bouffées d’émoi. Bouffez-moi des. Stop. Trois heures du matin, nous sommes encore cinq ici. En train de manger et boire sur la mezzanine. Un homme vient d’entrer, en bas, dans la galerie. Je descends. Ivre moins que lui. Père spectre ivre, je te salue. Tu me confies un secret. Et la ressemblance sur la photo. Et cette jeune femme demande est-ce que c’est toi là non je sais bien que ce n’est pas toi et pourtant quelle ressemblance. [c’est moi sur la photo là le visage là c’est moi c’est moi le bras là moi la jambe tu reconnais me reconnais tu étais là toi avec moi mais qui es-tu là que vois-tu et que dis-tu tu me connais me reconnais tu te cachais je te cachais te cajolais qui cajoler quel est ce temps dis-moi étais tu avec moi aimais-tu quoi toi avec moi toi tu m’aimais moi je t’aimais quel est ce temps tu reconnais me reconnais tu m’as connu mais c’était quand là c’était qui sur la photo là le visage là c’est moi je ne sais pas comment je fais pour savoir si quoi là de moi sur la photo quoi là du temps quoi là de moi entre la photo là et moi se terre et toi là toi dis-moi quand je regarde la photo quoi là de moi dans la photo que toi tu vois que tu as vu que moi j’ai vu que j’ai vécu tu as vécu vraiment tu crois là tu me vois tu vois là quoi sur la photo aujourd’hui quoi là d’aujourd’hui sur la photo dis-moi c’est quoi sur la photo là que je tue sur la photo là que je sais toi que tu vois dis-moi c’est quoi sur la photo quoi d’impossible à voir et quoi possible à voir possible à taire et à tuer sur la photo quoi d’impossible que tu vois et que tu veux que je déchire et que tu veux que là j’enterre oui mais c’est quoi sur la photo là c’est la mort de qui la mort sur la photo ce que tu vois là que tu crois là de la mort de qui la mort sur la photo quoi là de moi qui là me manque et quoi là manque aujourd’hui là sur la photo aujourd’hui là regarde en moi dans la photo quoi là je vois sur la photo c’est moi le mort c’est ça là que tu reconnais c’est ça de moi sur la photo c’est moi le mort sur la photo c’est ça de moi là que tu vois non là pas moi ce n’est pas mort que tu me vois sur la photo ce n’est pas moi le mort pas moi là le visage là c’est moi c’est moi le bras là moi la jambe tu reconnais me reconnais tu étais là toi avec moi mais qui es-tu là que vois-tu et que dis-tu tu me connais me reconnais tu te cachais je te cachais te cajolais qui cajoler quel est ce temps dis-moi étais tu avec moi aimais-tu quoi toi avec moi toi tu m’aimais moi je t’aimais quel est ce temps tu reconnais me reconnais tu m’as connu mais c’était quand là c’était qui sur la photo là le visage là c’est moi je ne sais pas comment je fais pour savoir si quoi là de moi sur la photo quoi là du temps quoi là de moi entre la photo là et moi se terre et toi là toi dis-moi quand je regarde la photo quoi là de moi dans la photo que toi tu vois que tu as vu que moi j’ai vu que j’ai vécu tu as vécu vraiment tu crois là tu me vois tu vois là quoi sur la photo aujourd’hui quoi là d’aujourd’hui sur la photo dis-moi c’est quoi sur la photo là que je tue sur la photo là que je sais toi que tu vois dis-moi c’est quoi sur la photo quoi d’impossible à voir et quoi possible à voir possible à taire et à tuer sur la photo quoi d’impossible que tu vois et que tu veux que je déchire et que tu veux que là j’enterre oui mais c’est quoi sur la photo là c’est la mort de qui la mort sur la photo ce que tu vois là que tu crois là de la mort de qui la mort sur la photo quoi là de moi qui là me manque et quoi là manque aujourd’hui là sur la photo aujourd’hui là regarde en moi dans la photo quoi là je vois sur la photo c’est moi le mort c’est ça là que tu reconnais c’est ça de moi sur la photo c’est moi le mort sur la photo c’est ça de moi là que tu vois non là pas moi ce n’est pas mort que tu me vois sur la photo ce n’est pas moi le mort pas moi alors c’est qui sur la photo c’est qui là qui là qui la voit c’est qui là qui là qui l’a prise] C’était une chanson. C’était en novembre 2003. C’était au printemps 2004. Nous étions quatre. Nous étions deux. L’avaleur travaille. C’était notre nom. Hier je me dis : demain ce sera triste. Joie tristesse joie. Plaisir et d’être ensemble et d’ensemble faire et joie de l’être seul, en écho. Ne pense pas à demain, me disais-je, hier. Rendez-vous avec l’histoire. Etre trois, dis-tu. Ecrire l’histoire. Un enfant court dans la maison. Demain il ne sera plus là, pensai-je hier. Et moi dans mon bac à sable à couler la brique du secret. Je fais des pâtés de sable. Sur la plage. Et les photos là-bas les as-tu prises toutes, toi, ou bien toutes recueillies, toi. Aujourd’hui, j’ai la réponse. Avoir, la réponse. Prendre, une photo. Dire le présent, pour dire présence et don. Ne pas toucher le mur du fond, écris-tu. Je pense à la paroi tout au fond à l’intérieur d’un corps. Je pense : frapper fort et tout au fond à l’intérieur d’un corps. Je pense au sexe d’une femme et au contact du mien jusqu’à son fond. Sans fond. Ne pénétrer ce lieu qu’une fois, écris-tu. Qu’est-ce que tu fais. J’écris. Quoi. Ce qui me passe par la tête. Ce qui. Me traverse le corps. Du sexe au crâne. J’écris. Cœur. Corps. Crâne. Mon souffle. Mon. Sexe j’écris. Oui. C’est que j’écris. Tu vois. Ce que j’écris. Ceux. Avec ceux. Face à ce. Qui se crée. Dedans. Oui. Franchement, esthétiquement j’aime, mais sinon ça m’angoisse ton projet, dis-tu. Mon désir. Demander à l’autre de faire miroir certainement non. Mais poser la question, hors de soi. Et la donner à l’autre, non pour m’en débarrasser, oh non, pour une réponse à ma place, oh non. Justement dans cette interdiction à ce jour que je vis comme étant la seule : celle de dire, de faire, d’agir, à la place de quiconque. VISITE ICI QUI.



[2007]











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