A LA BASCULE - - - LE 17 MARS 2012 - - - RENNES







le 17 mars 2012 à Rennes à 21h00
Benoit Cancoin, contrebasse
Marc Perrin, textes
Gwenaëlle Rébillard, images, lecture
La Bascule - 2 rue de la Bascule - 35000 Rennes
entrée : 5 euros
renseignements : 02 99 33 10 40








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EARWORMS # 1 - - - LE 18 MARS 2012 - - - NANTES




le 18 mars 2012 à Nantes à 20h00
Benoit Cancoin, contrebasse
Marc Perrin, textes
Tamara Stuart-Ewing, danse
Au Zigobar - 35 rue des Olivettes - 44000 Nantes
PAF AU CHAPEAU
renseignements : 02 51 83 51 34 / 06 34 30 34 77








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Duo Benoit Cancoin / Marc Perrin



[extraits sonores ici]



le 15 mars 2012 à 20h30 -
Saumur
Auberge Saint-Pierre - Place Saint-Pierre - 49400 Saumur
[plus d'info ici]

le 16 mars 2012 à 20h00 - Nantes
chez Christine Ménahès et Guillaume Lecomte - 43 rue du Maine - 44000 Nantes
--- réservation indispensable au 06 89 44 42 67 -----------------------------------------------
---------------- chacun amène un petit quelque chose à manger ou à boire --- paf au chapeau ---

le 17 mars 2012 à 21h00 - Rennes
------ avec Gwenaëlle Rébillard ------
A La Bascule - 2 rue de la Bascule - 35000 Rennes
[plus d'info ici]

le 18 mars 2012 à 20h00 - Nantes
----- avec Tamara Stuart-Ewing -----
Au Zigobar - 35 rue des Olivettes - 44000 Nantes
[plus d'info ici]


ensuite...


le 5 avril 2012 à Blanzat [63]
chez l'habitant

le 6 avril 2012 à Vodable
Auberge de la Loue - 63500 VODABLE

le 7 avril 2012 à Tours
dans le cadre d'une soirée la vie manifeste







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Livre un, chapitre trois.

6 octobre 2009, 10 octobre 2009.






Et maintenant disons qu’il existe une multitude de fils tendus dans l’univers reliant une multitude de points entre eux. Disons qu’il existe une multitude de fils tendus, à travers le monde, reliant entre eux une multitude de lieux et de corps. Disons qu’il existe une multitude de fils tendus , dans chaque corps, reliant entre elles une multitude de particules.

Disons que la parole a lieu, lorsqu’un certain nombre de ces fils tendus se frottent et entrent en vibration de manière à produire une chaleur qui se transforme en feu.

Disons que les corps sont des lieux, à l’intérieur desquels s’animent les particules. Disons que les corps sont des particules dont l’incessante activité modifie les lieux dans lesquels ils vivent.

Disons que les lieux sont définis par la manière qu’ils ont : 1. d’accueillir des corps ; 2. de se laisser modifier.

Disons que la parole est un corps impalpable que certains lieux accueillent.

Disons que la parole est un lieu dans le temps. Un lieu dans le temps que certains corps accueillent.

Disons que la parole est modifiée par les corps et par les lieux qui l’accueillent en même temps qu’elle les modifie.

Disons que les corps modifient les lieux. Disons que les lieux modifient les corps. Disons que la parole est un corps et un lieu modifiant sans cesse les lieux et les corps.

Disons que l’ensemble des corps modifiant sans cesse les lieux et que l’ensemble des lieux modifiant sans cesse les corps, disons que cet ensemble participe à la vie d’un monde sans cesse en reconstitution.

Disons que l’ensemble des mondes sans cesse en reconstitution s’ouvre sur l’univers.

Disons que les particules sont des étoiles. Disons que les particules sont des atomes. Disons que les corps et les mondes sont multiples.

Et maintenant, traçons chacun dans l’espace un certain nombre de fils tendus entre un certain nombre de points. Et soyons très attentifs aux frottements entre les fils tendus. Soyons très attentifs à la vibration produite par ces frottements.

La vie de l’univers. Passe par cette vibration.

La vie de l’univers. Passe par nos corps attentifs à cette vibration de fils tendus que chacun nous tissons. Entre particules, corps, lieux, et mondes.

Le vie de l’univers. Se déploie en nous par l’attention que nous portons à la multiplicité des fils tendus que chacun nous tissons.

Le vie de l’univers. Se déploie en nous par l’attention que nous portons à la vibration produite par les fils tendus, lorsqu’ils se frottent, entre eux.

Cette vibration, lorsqu’elle a lieu. Cette vibration produit à la fois : un son, et une chaleur.

Le vie. De l’univers. Se déploie pleinement en nous par l’accélération de cette vibration.

Car si la vibration produit du son, et de la chaleur. L’accélération de la vibration : change la chaleur en feu. Et le son : en parole.



***



Une parole constituée par un ensemble de fils tendus dont les frottements entre eux crée une vibration par laquelle un feu prend et se répand.

Une parole passant par un corps et rejoignant une multiplicités d’autres corps.

Une parole traversant les corps mais ne s’y arrêtant pas.

Une parole comme un mouvement incandescent à travers l’espace.

Une parole comme un mouvement incandescent à travers le temps.

Une parole comme une matière impalpable qui sonne le réveil.

Une parole comme une matière impalpable qui se fait palpable.

Une parole comme une matière en mouvement qui parcourt l’espace.

Une parole comme une matière en mouvement qui pénètre l’espace.

Une parole comme une matière en mouvement qui parcourt et pénètre le temps.

Une parole comme une matière qui se détache d’un corps.

Une parole comme une matière qui retraverse un corps.

Une parole comme une matière qui redevient un corps.

Une parole comme un corps qui pénètre une multitude d’autres corps.

Une parole comme un corps qui traverse les corps mais ne s’y arrête pas.

Une parole comme une matière qui se consume.

Une parole en feu.

Une parole en feu nécessaire au passage du temps.

Une parole en feu nécessaire au passage d’un corps.

Une parole en feu qui réanime les corps.

Une parole en feu qui attise les corps.

Une parole en feu qui en fait des aimants vibrants.

Une parole en feu qui donne aux corps ce qu’ils ne connaissent pas sans elle.

Une parole en feu comme un corps en même temps entre les corps et dans les corps.

Une parole en feu comme un corps en feu.

Une parole en feu comme un corps en feu.

Une parole en feu comme un corps en feu s’approchant d’autres corps en feu.

Une parole en feu comme un corps en feu.

Une parole en feu comme un corps en feu s’approchant d’un autre corps en feu.

Une parole en feu s’apprêtant à connaître ce qu’elle ne connaît pas sans les corps.

Une parole en feu comme deux corps en feu.

Une parole en feu comme deux corps en feu qui se touchent.


***


Et maintenant, si ton corps est en feu, c’est que tu t’approches d’un nouveau lieu.

Si ton corps est en feu, c’est que tu t’approches d’un autre lieu en feu.

Si ton corps est en feu, chaque lieu que tu approches prend feu.

Si ton corps est en feu, chaque lieu que tu approches est un nouveau foyer qui s’allume.

Si ton corps est en feu, le feu qui le consume consume toutes les vieilles matières.

Si ton corps est en feu, le feu qui le consume éclaire un nouveau corps.

Si ton corps est en feu, ton corps est un nouveau corps.

Si ton corps est en feu, tu es en train de naître.

Si ton corps est en feu, tu es en train de quitter un corps et d’en accueillir un autre.

Si ton corps est en feu, tu brûles avec le corps ancien.

Si ton corps est en feu, tu brûles dans la vieille maison et avec toi brûlent tous les corps anciens.

Si ton corps est en feu, tu gardes la mémoire.

Si ton corps est en feu, tu es le cœur d’un nouveau foyer.

Si ton corps est en feu, tu traces un récit flambant neuf, chauffé aux flammes de l’incendie des vieilles matières.

Si ton corps est en feu, tu transformes perpétuel en éternel.

Si ton corps est en feu, tu es l’impossible fil tendu par son incandescence, vivant en chaque point de l’espace où une naissance a lieu.

Si ton corps est en feu, tu es pur présent.



***



Je fais. Le récit. De la vibration émise par le frottement des fils tendus.

Fils tendus à l’intérieur des corps.

Fils tendus entre les corps.

Je fais le récit. Depuis chaque lieu. Comme depuis autant de corps tissant entre eux des fils tendus dans l’espace dont les frottements émettent des vibrations.

Je fais le récit. Depuis chaque corps. Comme depuis autant de lieux s’apprêtant à accueillir le feu.



***


Et maintenant, disons que la parole ne traverse pas les corps sans qu’une certaine violence les affecte.

Disons maintenant que la parole est le récit de cet affect.

Disons que la parole fait le récit de cette violence par laquelle un corps s’avance dans ce qui n’a encore jamais été dit.

Disons que la parole troue le silence, et modifie l’univers.

Disons que le trou qu’elle fore dans le silence participe à former une image qui n’avait encore jamais été vue.

Disons que la parole est le lieu de ce qui ne se laisse pas prévoir.

Disons que la parole est un corps par lequel certaines images affluent.

Disons que la parole tremble avec les temps imprévus.

Disons que la parole forme des images par lesquelles elle rejoint le regard.

Disons que la parole forme des images dans le feu.

Disons que la parole forme des images là où le regard sans elle ne sait pas voir.

Disons que la parole forme des images là où le regard sans elle se noie dans les larmes en répétant je ne comprends pas.

Disons que la parole est un temps par lequel un corps se détache du je ne comprends pas.


Disons que la parole se déploie dans ce qu’elle ne sait pas encore dire, et parce qu’elle s’y déploie, une jouissance en elle chante à tue-tête je ne sais pas mais j’y suis.

Et maintenant. Disons que si des larmes viennent encore à couler. Disons que ce sont des larmes qui pleurent le foyer premier. Le premier feu. Impossible à connaître sans la parole.

Disons que si des larmes viennent encore à couler. Ce sont des larmes qui pleurent après la consolation d’avoir connu la parole après le premier feu.

Si des larmes viennent encore à couler. Ce sont des larmes en certains sens qui pleurent : l’innocence qui ne vieillit pas.

Un corps en feu. Ne pleure pas. Un corps en feu. Se détache de l’innocence. Un corps en feu. Ne vieillit pas. Il brûle.













Livre un, chapitre deux.

8 mai 2009.







Il est en train d’achever le travail commencé avant même sa venue. Il est en train d’ouvrir une tombe et découvre le trou auquel ici tous nous pensons. Trou du jouir. Trou du jamais. Trou de l’assez. Trou de la fin. Trou de encore. Il dit. Je suis en train d’achever l’œuvre commencée par deux corps, là-bas, dans la vallée. Il dit je commence par bien mâcher les mots avant que de penser à commencer : à les avaler. Il dit je commence par bien mâcher les morts. Pareil. Il dit. Je suis le corps qui mâche les mots des morts. Je suis le corps qui les fait passer dans nos corps : de mort à vie. Il dit. Nous sommes la somme des morts, par nos corps vivants. Il dit nos corps sont vibrants. Les mots défont les tombes. Et toujours ainsi commence une venue. À chaque mot que tu entends, une tombe se défait. Silence. Adieu. Adieu silence.



Ici. Je suis la première heure de la première parole dite. Ici, quand la parole est dite : je suis. Ici, quand la parole est dite : je suis en marche vers sa fin. Je suis ici l’heure exacte où la parole enfin cesse de vouloir dire, et laisse place aux corps.



Je suis ici une parole qui défait l’empêchement. Je défais l’attente. J’écoute. Je suis le corps qui ne demande rien, et qui est là. Je suis, aussi, un point de lumière clignotant dans le fond de ton cœur. Je suis celui qui s’approche. Je suis celui qui sait. Je suis celui qui défait le savoir. Si tu ne demandes rien. Je réponds.



Et je suis la voix et le regard qui te glacent. Et je suis le miroir que tu interposes entre ton corps et mon corps et par lequel tu refuses de me voir, aussi. Je suis une glace à la crème qui fond et que tu lèches. Aussi. Je suis un corps qui fond en plein soleil. Je suis, à l’instant présent : la fonte d’une matière très précise, en toi. Je suis, à l’instant présent : une matière qui te porte et qui fond. Une matière qui te porte, et qui fond, dans le temps.



Et je suis ici, aussi, ta petite maman dans la cuisine qui te fait réchauffer la langue de bœuf. Je suis la langue de bœuf. Je suis la sauce épaisse et piquante et les petites morceaux de cornichons coupés en fines lamelles. Je suis. Dans ta bouche, et tu m’avales. Je te nourris. Je suis. Ta petite maman qui te nourrit. Je suis. Une cuisine, pleine de petites mamans. Je suis la puissance du foyer. Je suis le morceau de beurre qui fond dans la casserole. Je suis le plat trop gras mais tu as faim. Je suis la part de trop quand tu n’as plus faim. Je suis ta gentille petite maman. Je suis ta vieille petite mémé. Tu vas m’aimer n’est-ce pas. Viens, je vais te faire manger. Car tu as faim, n’est-ce pas. Viens. Pas la peine. Pas la peine d’avoir faim.



Ce n’est pas parce que tu feras la route à l’envers que tu comprendras mieux. Ce n’est pas parce que tu feras la route à l’envers que tu reviendras. Tu ne reviendras pas. Tu le sais, cela. Tu n’en reviendras pas. Mais tu veux bien rester encore un peu avec nous, n’est-ce pas. Regardez-le, il prend la fuite. À quoi pense-t-il donc échapper. Ici.



Je suis. Le corps à qui tu n’échapperas pas.



Je suis. Celui tu n’auras pas. Je suis. L’espèce qui vient. Dans le même temps. Je suis l’impossible d’un foyer qui veut brûler par l’amour. Je suis une guerre en dépendance. Je suis un schéma déjà tracé quand tu arrives. Je suis là. À quoi penses-tu échapper. À quoi penses-tu échapper en voulant à tout prix inventer de nouveaux tracés. Tu veux un nouveau schéma ?



Tu me plais quand tu t’enfuis. Est-ce que tu sais ça. Tu m’attires quand tu me fuis.



Je suis. La menace du possible. Je suis. Un mensonge très lourd. Et nécessaire. Je suis. Dans les nouveaux tracés que tu penses inventer. Je suis le corps par lequel s’empêche l’invention. Je suis le corps par lequel tu te libères. Dans le même temps. Je suis le tracé qui défait la fin. Je suis. Ta très belle petite prison, avec nouveaux radiateurs, tout neufs, pour être bien attaché, bien au chaud, dans la chaleur, pour le sommeil. Je suis la chaleur, pour le sommeil. Je suis glacé.



Nous ?



Nous sommes le dernier geste. En pleine lumière. Nous sommes. La fin qui vient. Et venant, nous annulons l’achèvement. Nous sommes la trace de ce qui arrive. Nous sommes la trace pas encore tissée de ce qui se tissera après l’adieu. Nous sommes l’adieu. Nous sommes, la dieu. Qui est cette femme. La dieu. Nous sommes, cette femme, qui lui a toujours manqué. Nous sommes cette femme par le corps de laquelle nous avons cheminé, pour mieux le tuer. Nous sommes. Ce qui reste de sa mort. Nous sommes debout et nous vivons, dans sa tombe. Nous sommes l’adieu à sa mort. Nous commençons. Maintenant. Signant la fin, nous commençons. Par la parole. Vite, vite, un corps. Corpus, cadavre. Parole difficile. Et lui, nous a-t-il jamais parlé quand il prétendait vivre. Jamais. Il n’a jamais su parler. Jamais. Il a toujours été mort. Et toujours, toujours c’est à sa mort que nous avons parlé. Toujours dans son silence. Toujours nous parlons depuis son silence, dans le creux de sa tombe. Toujours nous parlons en creux dans le silence de sa mort. Et nous disons que nous sommes la dieu.



Ce qui n’est pas encore fini a pour nom infini. Ce qui se dit n’achève rien mais modifie l’ensemble des corps qui écoute. Ce qui se réalise de l’infini : a lieu dans un temps, où, une matière en attente dans un corps, devient vivante dans un corps autre. Cher petit sperme. Cher petite parole. Chère petite matière. Vas-y : défais l’attente. Vas-y : défais le nom de ta mort. Vas-y, franchis la limite. Fais le geste d’après. Ne le fais pas pour après. Fais-le. Fais-le maintenant.



Ce qui n’est jamais assez a pour nom insatisfait. Satis-fait. Assez fait. Jamais assez. Vas-y. Fais le geste. Vas-y. Franchis la limite, et laisse venir ce qui s’approche. Laisse venir la sensation de l’approche. Laisse venir le souffle. C’est un corps. Un corps autre, et très réel. Si tu le laisses venir, tu défais les liens anciens. Si tu le laisses venir, tu écris les premiers mot, sans comprendre. Tu fais les premiers pas. Hors de la tombe. Tu poursuis la phrase. Hors de la tombe. Et tu te moques. Maintenant. Tu te moques. De comprendre. Maintenant. Tu inventes. Ce qui manque. Hors de la tombe. Il n’y a rien. À comprendre. Hors de la tombe. Il n’y a rien. À savoir. Tu t’approches.



Ce qui défait la pensée a pour nom dépense. Tu défais la tombe. Tu défais la pensée. Tu défais le savoir. Mais tu avances encore avec la mort dans le dos. Mets-là devant toi. Voilà. C’est ça. Comme ça. Cher petit sperme. Chère petite parole. Chère petite matière. Maintenant. La mort. Est face à toi. Ça te fait quoi.




Je vais te dire une chose. Je crois encore à l’amour. C’est tout. Je crois encore aux mots que je ne comprends pas. C’est par eux que les corps apparaissent. C’est par eux que les corps se touchent. Les mots que je ne comprends pas. C’est par eux que je viens.



L’approche de ce qui vit dans le souffle de la parole. Le souffle de ce qui vit dans le corps de l’approche. Le mot par lequel à chaque nouveau pas la parole ouvre un chemin. Le présent du souffle. Ce qui vient, est qui n’est pas la mort, a pour nom impossible. Ce qui a pour nom impossible fait circuler par la parole une certaine confiance qui n’essaie pas de convaincre. Ce qui n’essaie pas de convaincre se donne.



Ici. Je fais le seul chemin possible. J’accède : à l’ignorance. Au passage, ou par distraction, un dimanche, ou un lundi, j’enterre mes parents vivants. Ils survivent. Je ne veux pas survivre à la mort. Je veux bien leur en parler. Je viens bien leur dire : pas la peine de m’attendre pour un quelconque après. Pas la peine de travailler aux tracés d’un schéma qui dessinerait mon corps pour que je sois après le corps.



Et je suis aujourd’hui devant la source. Est-ce à dire que je suis revenu. Je suis aujourd’hui devant la tombe. Devant la source. Et je regarde. Une dernière fois. Le corps d’un enfant que j’ai tué ce matin. Ça fait mal. Un peu. Il paraît que l’on ne voit l’enfant que lorsqu’il est mort. Je ne sais pas. Je sais seulement qu’avec le tas de terre au côté de la tombe vide, avec la terre du vide de la tombe, je forme un nouveau corps, pour faire un enfant. Je lui forme un corps de terre. Pour l’allonger dans le vide. Pour qu’il dorme bien au chaud dans le vide. Je forme un corps de terre et je le dépose au fond du vide. Et. Maintenant. Je parie sur un principe archaïque de résurrection. Maintenant. Je fais renaître l’enfant par la terre. Cela fait. Un peu. Mal. Au début. Mais le souffle vient. Je regarde. Au fond du trou. Je vois le vide. Je vois le corps qui respire. Je sens mon corps qui respire. C’est par là me dis-je. Je fais le pari que c’est par là. Un accès inédit pour le souffle. Un accès inédit par la terre. Un accès ancien, remis à neuf. Sentir le souffle, par le vide. Faire le corps, par la terre. Elle tremble. Je sens. La matière qui vibre.



Je me lève. Je sors de la tombe.



J’ouvre un passage dans l’incompréhensible. J’ouvre un passage par lequel l’incompréhensible devient un corps accessible. C’est tout. C’est tout pour aujourd’hui.


























Livre un, chapitre un

13 mars 2009.





Description : 40 FEUILLES au format 13,5 cm x 9,5 cm + 1 TEXTE

LE TEXTE : ‘‘Mars 2009 : Toulouse : écriture d’un texte, suivie de son impression sur des feuilles au format 13,5 cm x 9,5 cm, suivie de sa destruction dans ses formats informatiques. 13 mars 2009 : Paris : lecture du texte à Béton Salon : une quinzaine de personnes est présente lors de la lecture : les feuilles imprimées sont plongées dans un bac rempli d'eau au fur et à mesure de la lecture du texte ; quand l’encre a disparu des feuilles, celles-ci sont retirées de l’eau ; les feuilles sèchent. Mars 2010 : Nantes : écriture de ces quelques mots relatant l’expérience d’il y a un an.’’

LES FEUILLES. Il n’y a plus rien à y lire du texte imprimé. L’encre de l’impression du texte [l’encre de l’imprimante] a entièrement disparu. Quelques traces d’encre visible, tout de même : encre de quelques corrections effectuées au stylo avant la lecture, et que l’eau n’a pas entièrement effacées : quelques traits qui rayaient des mots, là une virgule qui venait reponctuer, ici et là quelques mots ou lettres rajoutées : ‘‘déménager’’, ‘‘moi’’, ‘‘un’’, ‘‘J’’, ‘‘des pièces – d’’, ‘‘Bienvenue’’. Les feuilles sont marquées par leur séjour dans l’eau : différemment tachées, chacune, fripées, pas propres…

L’exposition de l’ensemble peut prendre différentes formes :

- AU MUR : ensemble des FEUILLES au mur (5 rangées de 8, par exemple) + 1 feuille de la même taille, sur laquelle sera imprimé le TEXTE, à coté, seule, en bas à droite du rectangle formé par les 40 FEUILLES.

- SUR UNE TABLE : une pile avec les 40 FEUILLES + 1 feuille de la même taille, sur laquelle sera imprimé le TEXTE, et montrée à côté.